Lorsqu’on parle de l’aube des luttes féministes, des figures occidentales défilent dans nos têtes. Ces hommes et femmes aux idées controversées de l’époque ont questionné le rôle de la femme dans la société moderne jusqu’à modifier son regard sur elle-même. D’une manière générale, ils ont influencé de nombreux mouvements en bouleversant des sociétés entières.
Les revendications féministes représentent de grands idéaux qui résonnent aujourd’hui encore. Demandez aux jeunes haïtiens de citer des figures féministes pionnières, les noms de Simone de Beauvoir, Clara Zetkin, Hubertine Auclert, George Sand résonneront. Et si on oriente la question vers des femmes haïtiennes pionnières dans la lutte féministe, une hésitation s’installera. Les plus connaisseurs feront étalage des mouvements et de leurs figures emblématiques alors que la grande majorité parlera des femmes actuelles qui font un travail incroyable.

L’histoire d’Haïti, celle apprise à l’école dresse un tableau où les femmes sont quasi inexistantes. Nous nous rappellerons principalement d’Anacaona, Toya, Sanité Belair, Catherine Flon et d’Ertha Pascal-Trouillot. Alors qu’il existe beaucoup plus que ça, des femmes au parcours extraordinaire sont éclipsées. Aucune ligne ne leur est accordée et les plus petits n’en ont jamais entendu parler. Ces femmes d’exception sont là, elles ont vécu alors que peu d’entre nous les connaissent.
Dans cet article, nous parlerons d’une leader, d’une intellectuelle et d’une visionnaire dont les jeunes femmes haïtiennes peuvent s’inspirer. Elle est, sans doute, l’une des femmes de sa génération à faire montre d’une formation académique aussi soignée.
MADELEINE SYLVAIN BOUCHEREAU (1905-1970)

Madeleine Sylvain-Bouchereau fut la première femme docteure en sociologie en Haïti et la première femme candidate au Sénat. Elle est l’une des principales fondatrices de la Ligue d’action sociale des femmes, la première organisation féministe en Haïti. Elle a un parcours exceptionnel en tant que leader, intellectuel et féministe. Elle s’est toujours distinguée dans de nombreux domaines comme l’éducation, l’assistance sociale, l’animation communautaire et, bien sûr, les droits de la femme.
FAMILLE ET ÉTUDES
Fille de Georges Sylvain et d’Eugénie Malbranche, Madeleine Sylvain-Bouchereau a étudié à la Faculté de Droit de Port-au-Prince (1930 – 1933). Elle a ensuite fait des études en éducation, en sociologie respectivement à l’Université de Puerto-Rico et au Bryn Mawr College aux États-Unis. Elle a été bénéficiaire d’une bourse offerte par l’Association internationale des femmes universitaires aux jeunes filles d’Amérique latine.
Madeleine a eu une maîtrise en éducation, une spécialisation en organisation des communautés rurales et un doctorat en sociologie.
PARCOURS PROFESIONNEL
En 1941, on la retrouve professeure d’abord à l’Institut d’Ethnologie, puis à partir de 1945 à l’École nationale d’Agriculture et à l’Université de Fisk. En 1944, elle a été «Principal welfare officer» pour les Nations-Unies chargée de l’organisation des services sociaux dans cinq camps de prisonniers polonais déportés en Allemagne. Elle siégera à la Commission du statut de la femme aux Nations-Unies à New-York en 1951 et également en 1952, année où l’Assemblée générale adoptera la Convention sur les droits politiques de la femme (premier document juridique international affirmant l’égalité des droits politiques, y compris le droit de voter).
De 1952 à 1956, elle est membre du comité pour l’organisation des cours d’été de la Ligue internationale des Femmes pour la paix et la liberté et co-directrice des cours de Copenhague et de Hambourg. Elle sera également vice-présidente de la Ligue internationale des femmes avocates.
En 1958, sous les auspices de la Ligue internationale des femmes, elle mènera une enquête dans les pays du Moyen-Orient sur les conflits dans cette région.
De 1966 à 1968, elle sera conseillère pour le développement communautaire auprès du gouvernement du Togo.
Madeleine Sylvain-Bouchereau se retrouvera en lice pour le siège de sénatrice du département de l’Ouest, faisant ainsi figure de première femme de notre histoire à briguer un poste sénatorial.
SON FÉMINISME
Elle a contribué à un ensemble d’études très poussées sur les femmes haïtiennes, mettant sa formation académique au service d’un long combat contre la discrimination des femmes liée au mode de formation sociale haïtienne. Son féminisme n’était pas seulement un outil théorique d’analyse des conditions matérielles d’existence des femmes, mais également une pratique de luttes pour l’émancipation des femmes. Elle répondit ainsi aux constituants de 1946 :
« Nous avons foi dans le succès. Qu’importe qu’il brille seulement pour ceux et celles qui nous suivront, pourvu que nous ayons contribué à instaurer la justice et la démocratie dans notre pays. »
La création de la « Ligue Féminine d’Action Sociale » le 3 mars 1934 au lendemain de la désoccupation états-unienne d’Haïti, par plusieurs personnes dont Madeleine Sylvain-Bouchereau, fut une étape majeure dans la lutte des droits de la femme haïtienne. Les buts de la Ligue étaient clairement formulés dans ses statuts: participer à l’amélioration physique, intellectuelle et morale de l’Haïtienne; la rendre consciente de ses devoirs sociaux; faire valoir son égalité civile et politique; remédier aux problèmes concernant la protection de l’enfant. Ce fut la plus grande organisation féminine que le pays n’ait jamais connue. Moins d’un an après sa création, la Ligue publia la revue La Voix des Femmes, considérée par certains spécialistes de la problématique du genre en Haïti comme un outil de prise de conscience de la condition féminine et un symbole de l’effort des femmes de servir leur communauté. Madeleine Sylvain-Bouchereau a beaucoup participé au rayonnement de cette revue. Grâce à l’ardeur impétueuse des leaders de ce mouvement, les actions de la Ligue touchèrent toutes les régions du pays : éducation à la citoyenneté politique des femmes, tournées de conférences et cours du soir pour les ouvrières, assistance sociale, caisse coopérative populaire, l’exigence d’un salaire égal pour un travail égal, plaidoyer auprès des instances relatives à la création des écoles pour les filles…Malheureusement, le long règne dictatorial des Duvalier mit un terme aux opérations de la Ligue féminine d’action sociale. En 1957, ses archives furent détruites, ses membres et alliées persécutés ou exilés. Après la chute du président Jean Claude Duvalier, les femmes haïtiennes organisèrent une manifestation historique pour protester contre la féminisation de la pauvreté et la grande violence à l’égard des femmes.
Même si la Ligue ne fut jamais officiellement dissoute, elle ne réussit pas à redémarrer même après l’effondrement du pouvoir dictatorial. Toutefois, le foyer Alice-Garoute, créé par Madeleine Sylvain-Bouchereau dans le cadre de la Ligue avec l’objectif de former des jeunes filles rurales, existe toujours. Ce foyer possède encore aujourd’hui une école professionnelle, un centre d’alphabétisation des adultes, un club de mères et un centre nutritionnel.
PUBLICATIONS
– L’Education des femmes en Haïti, Port-au-Prince, 1944 (Prix Suzan B. Anthony de la Byrn Mawr College, Pennsylvanie).
– Les Droits des femmes et la nouvelle Constitution, Port-au-Prince, 1946, dans La Femme haïtienne répond aux attaques formulées contre elle à l’Assemblée constituante.
– La Classe moyenne en Haïti, dans Matériaux pour l’étude de la classe moyenne en Amérique Latine, (Publications du Département des Sciences sociales, Union panaméricaine, Washington, D.C., 1950.)
– Haïti et ses femmes, Port-au-Prince, 1941.
– La Famille Renaud, 2 vol. (manuels scolaires de lecture).
– Bulletin pour les instituteurs ruraux.
– Haïti, portrait d’un pays libre (édité en allemand), 1954.
Madeleine Sylvain-Bouchereau née le 5 juillet 1905, meurt à New-York en 1970.
Elle a contribué à rendre notre société plus respirable pour les femmes et elle doit demeurer présente dans nos esprits beaucoup plus que les pionnières féministes occidentales.
RÉFÉRENCES
http://www.mhaiti.org/billet/memoire-de-femmes-le-vent-du-feminisme
http://jasminenarcisse.com/memoire/03_feminisme/06_madeleine.html
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